Vue d'artiste de neurones dopaminergiques
La dopamine est une molécule émise par certains neurones, elle consolide les liens entre une action et le bénéfice potentiel qui en découle. Mais son rôle exact dans la motivation restait ambigu : comment se fait-il que, même après avoir appris qu’une action spécifique permet d’obtenir une récompense, on n’entreprenne pas toujours cette action à chaque occasion, mais seulement lorsque l’on est suffisamment motivé ?
Une étude récente publiée dans Nature communication apporte un éclairage nouveau sur cette question. Les chercheurs [1] ont développé un concept d’“attracteur latent”, un état stable de l’activité neuronale, initialement silencieux, qui représente l’association entre une action et sa récompense. Cet attracteur, mis en place grâce au signal dopaminergique lors de l’apprentissage, reste potentiellement disponible sans nécessairement se manifester. La clé de son activation réside dans la motivation : lorsque l’organisme est dans un contexte favorable – par exemple, s’il a faim – une libération supplémentaire de dopamine réveille cet attracteur latent. Ce dernier devient alors un véritable guide interne, orientant le comportement vers la réalisation de l’action correspondante, se diriger vers de la nourriture par exemple.
Pour parvenir à ce résultat, les chercheurs ont utilisé des approches intégrant optogénétique et enregistrement de l’activité neuronale chez la souris. Ils ont stimulé spécifiquement les neurones dopaminergiques tout en observant comment les animaux se comportaient dans un environnement comportant une zone précédemment associée à une récompense. Ils ont constaté que cette stimulation déclenchait chez les souris un mouvement immédiat et déterminé vers cette zone, même depuis un point très éloigné. Cette réponse n’est pas le simple produit d’une excitation motrice générale, mais révèle l’activation ciblée d’un attracteur latent stocké dans le réseau neuronal.
En somme, cette étude apporte un nouvel éclairage sur la fonction de la dopamine. Elle ne se limite pas à signaler les décalages entre récompenses attendues et obtenues pour favoriser l’apprentissage. Elle permet aussi de “révéler” des associations déjà établies, mais restées jusqu’ici inactives. Ces “attracteurs latents” forment une sorte de plan neuronal prêt à être utilisé dès que l’état interne et l’environnement s’y prêtent. Ainsi, la dopamine facilite aussi bien la construction de liens entre actions et récompenses, que leur mise en œuvre, une fois la motivation présente. Cette avancée aide à comprendre comment le cerveau passe naturellement de la simple connaissance à l’action ciblée.
Référence
Naudé, J., Sarazin, M.X.B., Mondoloni, S. et al. Dopamine builds and reveals reward-associated latent behavioral attractors. Nat Commun 15, 9825 (2024). https://doi.org/10.1038/s41467-024-53976-x
Contact
Paul Turpault, responsable de la communication scientifique de l’ESPCI paul.turpault@espci.fr