Des matériaux prometteurs pour une production d’hydrogène bas carbone !

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27/06/2024


L’hydrogène ne cesse de gagner en popularité et son utilisation comme vecteur énergétique suscite beaucoup d’espoir, notamment dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, surtout pour l’industrie, à tel point que la France lui accorde un rôle central dans sa stratégie de transition énergétique [1]. Certains obstacles significatifs restent toutefois à surmonter, car la production d’hydrogène est complexe et repose essentiellement sur des procédés carbonés, requérant des ressources polluantes. Bien que certaines alternatives durables existent, comme l’électrolyse de l’eau, elles restent à la fois encore trop onéreuses et recquierent une production d’électricité renouvelable allant bien au-delà des capacités existantes. C’est là toute la complexité de l’équation : l’hydrogène doit être à la fois décarboné, compétitif et s’appuyer sur une production d’énergie décarbonée en grande quantité pour être envisagé comme vecteur énergétique d’avenir.

Un consortium scientifique européen, dont l’ESPCI Paris – PSL est le coordinateur, s’est penché sur cette question et propose de nouvelles perspectives pour la production d’hydrogène à l’aide d’un procédé innovant et renouvelable. Le projet Metal Organic Frameworks for hydrogen production by photocatalytic overall water splitting (MOF2H2) regroupe 8 partenaires [2] issus de 4 pays différents.





Revenons brièvement à l’hydrogène, ou plutôt au dihydrogène H2, sa forme gazeuse composée de deux atomes d’hydrogène chimiquement liés, car c’est ce dernier qui est utilisé comme vecteur énergétique et non l’hydrogène en tant que tel. Que ce soit par reformage du méthane, gazéification de la biomasse ou électrolyse, les méthodes de production du dihydrogène ne manquent pas. Le projet MOF2H2 ambitionne une production de dihydrogène par photolyse de l’eau, c’est-à-dire par dissociation de l’eau sous l’effet d’un rayonnement, solaire par exemple : l’action d’une énergie lumineuse dissocie chimiquement le dioxygène O2 du dihydrogène H2 présents et combinés dans les molécules d’eau H2O. Cette méthode reste encore peu courante, entre autres à cause de la quantité d’énergie nécessaire à la scission sélective de l’eau et de l’utilisation de métaux nobles, parfois nécessitant l’ajout d’un additif chimique, rendant ce processus actuellement peu compétitif.

Or, l’apport d’une découverte récente - brevetée par l’ESPCI Paris - PSL et l’Université Polytechnique de Valence – pourrait conduire à une rupture dans ce domaine. Grâce à l’utilisation de réseaux métallo-organiques (MOFs) en tant que photocatalyseurs de la réaction chimique de scission de l’eau, le processus atteint des niveaux élevés de conversion de l’énergie solaire en dihydrogène tout en évitant l’utilisation de métaux nobles, et rend l’approche par photolyse très attrayante.

Les MOFs sont des solides cristallins - ayant une structure très ordonnée - à grande porosité, constitués d’assemblage d’ions métalliques et de ligands organiques. Ces matériaux peuvent atteindre des surfaces spécifiques très élevées (parfois plusieurs milliers de m2/g), combinée à une grande polyvalence structurelle et chimique, ce qui en fait des catalyseurs de choix. Combinés à des co-catalyseurs sans métaux nobles, ces MOFs permettraient d’optimiser le processus et de convertir jusqu’à 5% de l’énergie solaire captée en dihydrogène, un record permettant de se rapprocher des critères nécessaires à la production industrielle d’hydrogène par photocatalyse !





L’idée de ce projet est née à la suite d’une découverte faite au laboratoire IMAP [3] dirigé par Christian Serre. Diplômé de l’ESPCI, spécialiste reconnu des solides poreux et fraichement nommé académicien, Christian Serre est le coordinateur scientifique du projet MOF2H2. L’ESPCI Paris – PSL occupe par ailleurs une place particulière dans ce projet puisqu’elle en est le coordinateur, elle l’anime, coordonne le consortium et est le porte-voix du projet auprès des institutions européennes. C’est notamment à l’école que sont sélectionnés, synthétisés et optimisés les MOFs. L’équipe du projet MOF2H2 peut également compter sur une seconde diplômée de l’école, Camille Michel. Camille est consultante pour la société Euroquality, elle assure la communication et la visibilité du projet et assiste l’ESPCI Paris – PSL dans ses échanges avec les institutions européennes.

Le projet MOF2H2 a été lancé en novembre 2022 avec pour objectif de confirmer l’intérêt des MOFs comme photocatalyseurs pour la production du dihydrogène, et de convaincre par la suite que ce type de production est susceptible d’être mis à l’échelle industrielle. Si cette méthode de production à elle seule ne constituera qu’un complément à la production d’hydrogène par électrolyse, cela contribuera à la baisse des émissions de gaz à effet de serre dans de nombreux secteurs d’activité, pour aider l’Europe à atteindre les objectifs fixés par l’accord de Paris. MOF2H2 est aussi l’illustration d’une collaboration scientifique de haut niveau entre plusieurs partenaires européens, sur une thématique clé et prometteuse.





Disclaimer : This project is founded by the European Union under the Grant Agreement #101084131. Views and opinions expressed are however those of the author(s) only and do not necessarily reflect those of the European Union or CINEA. Neither the European Union nor CINEA can be held responsible for them.


 

Notes

[1Rapport RTE 2020 : La transition vers un hydrogène bas-carbone ; Rapport RTE 2021 : Futurs énergétiques 2021. Chapitre 9 : le rôle de l’hydrogène et des couplages ; Association France Hydrogène. Baromètre de déploiement de l’hydrogène, janvier 2024.

[2Laboratoire IMAP de ESPCI Paris – PSL ; Universitat Politècnica de València ; CNRS ; Université de Montpellier ; Université de Caen-Normandie ; Israel Institute of Technology ; Maastricht University ; Euroquality

[3Institut des matériaux poreux de Paris, ESPCI Paris – PSL / ENS / CNRS





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