Le 9 octobre, l’Inserm rend public un rapport d’expertise collective sur la fibromyalgie. Pathologie méconnue et non reconnue comme une maladie en France où elle touche pourtant entre 1,4 et 2,2 % des adultes de plus de trente ans, elle l’est pourtant dans d’autres pays comme la Belgique ou la Suisse. Un groupe d’experts (neurobiologistes, neurologues, médecins, psychologues, sociologues) a analysé l’ensemble de la littérature scientifique sur le sujet pour mieux cerner cette pathologie, et émettre des recommandations d’actions et de recherches à destination des pouvoirs publics. Parmi ce groupe de 15 experts, Sophie Pezet, neurobiologiste spécialiste de la douleur à l’ESPCI Paris – PSL au laboratoire PhysMed nous explique cette expérience.
Qu’est-ce que la fibromyalgie et quels en sont les symptômes ?
C’est une pathologie difficile à classer. On parle de syndrome fibromyalgique, car elle regroupe un ensemble de symptômes de douleurs diffuses et chroniques en l’absence de lésion ou inflammation nerveuses ou périphériques sous-jacente. Les patients ressentent une douleur musculo-squelettique disséminée d’intensité moyenne à intense, associée à une fatigue chronique, une altération du sommeil parfois associée à une anxiété ou une dépression. Cette difficulté à définir les symptômes de la Fibromyalgie était aussi tout l’enjeu de cette expertise collective : créer un consensus scientifique autour de la fibromyalgie et pouvoir la qualifier : comment la reconnaître, l’identifier en établissement des critères précis pour constituer une aide au diagnostic pour les médecins.
Comment s’est déroulée cette étude ?
Commandée par la direction générale de la santé, suite aux demandes des associations de patients, groupe d’experts a été constitué sous l’égide de l’Inserm, afin de couvrir l’ensemble des données relatives à la maladie : pharmacologie, symptomatologie, impact social et économique, études sur les modèles animaux. Nous sommes partis d’un panel de plus de 3500 documents scientifiques sur les dix dernières années, et en avons retenu 1600 pour lesquels la méthodologie était la plus fiable. L’analyse de ces documents a ensuite pris 24 mois, avant d’obtenir le rapport final.
Quelle a été votre contribution ?
En tant que neurobiologiste, j’étudie au quotidien les circuits liés à la douleur dans des modèles animaux de pathologies humaines. Parmi les symptômes de la fibromyalgie, on retrouve notamment une augmentation de la susceptibilité à la douleur, et une absence de soulagement lorsqu’elle celle-ci n’est plus ressentie. Nous nous sommes donc intéressés aux différentes études sur l’animal qui pouvaient servir de modèle pour approfondir l’étude de la fibromyalgie. Le modèle le plus fiable semble être celui qui consiste à provoquer des lésions mineures répétées dans le muscle chez le rongeur. Celles-ci tendent à créer une hypersensibilité diffuse et à long terme chez l’animal, traitée de manière efficace par traitements classiques prescrits pour la fibromyalgie. A l’inverse, nous avons aussi pu écarter certains modèles utilisés, qui comportent trop de biais et ne sont pas pertinents.
Quelles sont les grandes lignes des recommandations du rapport ?
L’analyse a permis de faire le point sur les connaissances que nous avons actuellement, mais aussi sur les pistes exploratoires de recherche complémentaires. Par exemple, la question se pose de savoir s’il n’existe pas plusieurs types de fibromyalgies ? Il semblerait aussi que parfois certaines fibres nerveuses périphériques soient atteintes, et des études complémentaires sur le sujet seraient bienvenues. De plus, il n’existe à ce jour aucun biomarqueur de ce syndrome.
Un autre point concerne la prise en charge des patients : elle ne doit pas être seulement médicamenteuse, mais comporter une approche psychologique, ainsi qu’une adaptation de l’activité physique.
Il reste encore de nombreuses interrogations, mais nous espérons que ces informations serviront aussi bien les pouvoirs publics (en reconnaissant la Fibromyalgie comme une maladie à part entière, qui est une attente forte des associations de patients), les patients, leur famille et les associations de patients. Ces malades étant (d’après une étude récente française) en errance médicale pendant 5 ans en moyenne avant qu’un diagnostic soit posé, l’une des retombées attendues de cette expertise est une meilleure connaissance de ce syndrome auprès des médecins généralistes, afin que les patients soient diagnostiqués et soignés le plus rapidement possible.
en savoir plus :
https://www.inserm.fr/information-en-sante/expertises-collectives/fibromyalgie
contact : sophie.pezet@espci.psl.eu