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Vous venez de passer le concours de l’X-ENS-ESPCI, cet article est pour vous. Vincent Croquette, directeur de l’ESPCI Paris – PSL vous aide à faire le choix de votre future école.
La période des concours est également celle des choix, notamment celui de votre future école. Certains opteront pour « l’école la plus populaire dans leur famille », tandis que d’autres, et je l’espère, choisiront celle qui leur convient le mieux.
Chaque grande école possède ses propres caractéristiques distinctives. Vous pouvez tout à fait trouver une école qui répond à vos attentes et à vos valeurs, ou à l’inverse, ce qui est moins souhaitable, faire un mauvais choix. Et c’est bien dommage, car vous serez engagé pour 3 ou 4 ans.
Se poser les bonnes questions
Les années de classes préparatoires ne vous ont pas laissé le temps de réfléchir à l’école qui correspond le mieux à votre projet professionnel… Si c’est votre cas, pas d’inquiétude, c’est sans doute aussi le cas pour la majorité de vos camarades.
Il est maintenant essentiel de vous poser les « bonnes » questions : quelles sont vos attentes ? vos envies ? vos valeurs ? Qu’avez-vous apprécié dans vos études ? Vous avez suivi divers enseignements, et j’imagine que certains vous ont plus satisfait que d’autres…
Presque toutes les grandes écoles d’ingénieurs actuelles ont choisi de proposer à leurs élèves des cours « à la carte », avec une forte orientation vers le management et la conduite de projets, reléguant ainsi les sciences au second plan dans les cursus.
Si, après vos études, vous aspirez à diriger un grand chantier de travaux publics, des connaissances scientifiques approfondies ne seront guère nécessaires. En mathématiques, la règle de trois vous suffira, et vos compétences organisationnelles et managériales seront primordiales. En revanche, si votre mission est de trouver un nouveau procédé de fabrication pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de votre entreprise, des connaissances scientifiques solides seront indispensables.
Si la curiosité scientifique vous anime, si elle est le dénominateur commun de vos centres d’intérêt, l’ESPCI peut vous intéresser, car nos choix pédagogiques sont à l’opposé de ceux des autres grandes écoles. Pendant les deux premières années, vous suivrez un cursus commun à tous les élèves. Vous apprendrez la physique, la chimie et la biologie autant en cours théoriques que par des travaux pratiques. En troisième et quatrième année, vous pourrez approfondir vos connaissances et compétences en vous pré-spécialisant dans les domaines qui vous intéressent le plus.
Présenté comme cela, vous pouvez trouver le traitement plutôt dur et ne laissant pas beaucoup de place à l’initiative de chacun. C’est un peu vrai sur le modèle, mais pas sur la mise en pratique.
Avant de décrire les méthodes d’apprentissage à l’ESPCI, expliquons pourquoi notre cursus est conçu ainsi. Actuellement, les institutions les plus prestigieuses pour étudier les sciences sont les grandes universités internationales comme Stanford, Harvard et le MIT. Malgré leurs coûts exorbitants, elles continuent d’attirer toujours plus d’étudiants. Alors, quel est leur secret ? Il est simple : leur formation est adossée à des laboratoires de recherche de premier plan international. Ce modèle est précisément celui que l’ESPCI a adopté dès sa création, notamment sous l’impulsion de Pierre Curie. L’impact de la recherche sur la formation d’un établissement peut se mesurer avec le rapport entre le nombre de chercheurs et le nombre d’étudiants : à l’ESPCI, il est de 1,3 ; ce qui en fait l’un des plus élevés de l’enseignement supérieur.
En France, les grandes écoles sont relativement petites par rapport aux universités internationales. Pour être plus visibles, elles se sont récemment regroupées pour créer des universités de taille comparable aux meilleures institutions mondiales. Depuis la création de l’université Paris Sciences & Lettres (PSL). l’ESPCI en est un établissement-composante. PSL regroupe l’ENS, l’école des Mines de Paris, Chimie-ParisTech, l’institut Curie, le Collège de France pour ne citer que les établissement du Quartier Latin. PSL est maintenant classé dans le Top-50 des meilleures universités internationales. Ainsi, lorsque vous chercherez un stage à l’étranger, les meilleures universités examineront votre dossier avec attention.
Une autre façon de mesurer la reconnaissance internationale de l’ESPCI est de considérer la composition de son Conseil Scientifique International. Ce comité se réunit chaque année pour évaluer l’évolution de la formation et la qualité de la recherche à l’école. Il est composé de personnalités de tout premier plan : son président, Steven Chu est professeur à Stanford, prix Nobel de physique et ancien ministre de l’énergie de Barack Obama. Un autre membre éminent est Ben Feringa, prix Nobel de chimie. Les autres membres sont, soit des scientifiques renommés, soit de grands industriels. Pourquoi ces personnalités de premier plan acceptent-elles de contribuer à l’amélioration de notre école ? Tout simplement parce que nos laboratoires de recherche jouissent d’une réputation internationale et que les membres du comité sont intéressés par le suivi de nos résultats de recherche. Steven Chu, très engagé dans la transition écologique, offre de précieux conseils à nos équipes de recherche et de formation.
Miser sur la pluridisciplinarité
L’idée des fondateurs de l’ESPCI était que ses étudiants devaient être pluridisciplinaires : ils devaient apprendre la physique et la chimie, tout en bénéficiant d’un apprentissage pratique au sein des laboratoires de recherche de l’école. Plus tard, Pierre-Gilles de Gennes, prix Nobel de physique et directeur de l’école pendant 25 ans, a ajouté la biologie à la physique et la chimie.
Notre ambition est restée fidèle à celles de ses fondateurs et s’inscrit dans les enjeux actuels : former des ingénieurs de recherche et des scientifiques hors norme, conscients de leurs responsabilités individuelle, sociale et environnementale, et encadrés par un corps professoral non limité par les frontières disciplinaires.
Mais comment peut-on apprendre « tout cela » ? La réponse est simple : grâce à des Travaux Pratiques. Contrairement à ceux que vous avez faits en classes préparatoires, les TP de l’ESPCI sont des mini-projets de recherche. Vous étudierez un phénomène scientifique à votre propre rythme, en abordant les concepts fondamentaux, mais toujours par la pratique. Vous pourrez modifier les paramètres, observer les résultats, réaliser des expériences originales avec votre binôme, toujours avec l’aide des enseignants-chercheurs qui vous encadrent. Notre taux d’encadrement est très élevé : un encadrant pour huit élèves. Les Anglo-Saxons disent "seeing is believing". À l’ESPCI, nous allons plus loin en vous proposant de "voir avec vos mains" pour comprendre.
Mais à quoi cela va-t-il me servir, me demanderez-vous ? Eh bien, à imaginer et proposer des solutions pour les grands défis de demain. Avec des connaissances scientifiques solides, tant théoriques que pratiques, vous pourrez concevoir les outils de demain. Je vais donner deux exemples pour illustrer notre approche pluridisciplinaire de la formation par la recherche. Le premier est relié aux technologies quantiques qui connaissent actuellement un véritable essor, avec entre autres, les technologies de cryptographie qui assurent la sécurité totale de la transmission d’informations. Ce type de technologies nécessite de comprendre les concepts de la mécanique quantique, ce que sont des états intriqués. Or, un laboratoire de recherche dans le domaine du quantique est le meilleur endroit pour se former et proposer de nouveaux dispositifs.
Le second exemple ne vient pas de l’école, mais aurait pu… La société Abbot a changé la vie des diabétiques en proposant un patch intelligent qui permet de suivre le niveau de sucre dans le sang du patient. Ce patch contient des micro-électrodes en contact avec le sang, spécialement traitées pour minimiser les risques d’infection et une électronique adaptée pour faire la mesure et produire le résultat sur un téléphone portable. Ce dispositif implique à la fois des problématiques physiques (électroniques, mesures et communications), chimiques (électrochimie, sucre, traitement de surface) et bien évidemment biologiques. Pour concevoir un tel dispositif, il faut une personne capable de parler les trois langages de la physique, de la chimie et de la biologie et de faire l’interface avec les spécialistes. La formation de notre école vous donne les compétences pour être cette personne.
Avec ces connaissances fondamentales acquises les 2 premières années, vous pourrez vous spécialiser en 3e année et compléter votre spécialisation par un Master en 4e année (le diplôme d’ingénieur est délivré à la fin de la 3e année). Si vous souhaitez vous orienter vers le management, vous pourrez le faire par un double diplôme avec, par exemple, les Mines de Paris, HEC ou ESSEC. 60 à 70% de nos élèves-ingénieurs poursuivent leur formation par une thèse de doctorat tremplin pour les postes à haute responsabilité dans l’industrie ou l’académie, en France ou à l’étranger (le PhD est le seul diplôme universellement reconnu, à la différence du diplôme d’ingénieur) dans des secteurs très variés, de l’énergie au développement durable, en passant par l’informatique et la santé.
Les défis actuels posés par la crise écologique ne seront probablement pas réglés uniquement par des progrès technologiques, mais ils feront assurément partie des solutions. Comprendre les fondements scientifiques associés à la production des gaz à effet de serre est essentiel pour poser les bons diagnostics et concevoir de nouvelles solutions à la hauteur des enjeux. C’est ce que l’ESPCI peut vous apporter concrètement dans ce domaine.
Je viens de décrire un enseignement très orienté vers les sciences, mais l’ESPCI dispense également des cours d’anglais et de sciences sociales, complétés par des notions de management et de gestion de projet. Nous pensons en effet que les concepts de la mécanique quantique, de la physique statistique ou de la cinétique chimique… sont vraiment difficiles à acquérir sur le tard, et que votre formation pourra toujours être complétée en management ou en gestion de projet dans un second temps. Nous n’avons pas la prétention de tout vous apprendre. Nous espérons juste vous apprendre à comprendre le monde qui vous entoure et, plus loin, apprendre à apprendre.
Pour finir, et parce qu’il n’y a pas que la science dans la vie, l’ancrage de l’ESPCI au cœur du Quartier latin, dans le 5e arrondissement de Paris, est le garant d’une vie étudiante riche sur le plan culturel, sportif, social. La taille réduite des promotions (inférieure à 100 élèves) vous assure une ambiance chaleureuse et presque familiale.
J’espère que ces quelques lignes vous auront aidés dans votre décision. Chaque école est différente, marquée par la spécificité de son passé et l’empreinte des personnalités qui l’ont modelée. Pour l’ESPCI, Pierre et Marie Curie ont ouvert la voie avec Paul Langevin. Irène Curie et Frédéric Joliot ont poursuivi et porté leur modèle. Pierre Gilles de Gennes et Georges Charpak ont su lui donner des orientations ambitieuses et contemporaines.
Je vous souhaite un bel été.
Bien à vous,
Vincent Croquette
Directeur général de l’ESPCI Paris - PSL, Alumni 94