Depuis la rentrée 2022, l’ESPCI Paris-PSL a fait évoluer son enseignement, pour l’adapter aux enjeux écologiques. Un module enjeux climatiques a ainsi été créé, et confié à Guillaume Pakula, diplômé de la 131e promotion, et co-fondateur du Projet Celsius. Il fait le bilan avec nous de cette première année, avec Corinne Soulié-Ziakovic, directrice de la scolarité et récemment promue professeure à l’école.
« Nous menons cette réflexion sur les enjeux écologiques depuis plusieurs années, en discussion avec les élèves », confirme Corinne Soulié-Ziakovic. « Nous avions la volonté de mettre en place un programme ambitieux et structurant. Le parcours Enjeux Ecologiques, co-construit avec Annie Colin (Responsable Développement Durable) et Nicolas Lequeux (Directeur des Etudes), répond à une demande forte des élèves de pouvoir se former aux défis scientifiques et écologiques. Il ne s’agissait pas de perdre de vue notre objectif premier – former des ingénieurs par la recherche – mais d’adapter nos enseignements de sorte qu’ils se questionnent de façon globale sur les impacts de leur pratique (écologiques, économiques, sociétaux) et choisissent des voies réfléchies (souvent des compromis…). » poursuit-elle.
Parmi les nouveautés donc, un module de 18h dédié aux enjeux climatiques. Porté par Guillaume Pakula, via le Projet Celsius, cet enseignement s’adresse aux élèves de 1ère année, et leur propose une analyse scientifique sur les questions du climat, de l’énergie, ou encore de la quantification, par exemple dans un bilan carbone. Depuis 3 ans, le projet Celsius, qui se définit comme un « artisan du climat », accompagne une trentaine d’établissements du supérieur autour de leur enseignement sur la thématique écologique.
« Comment en quelques heures restituer les éléments principaux qui permettent aux ingénieurs de s’engager, et les rendre les plus pertinents possibles sur ces sujets de société ? », s’interroge alors Guillaume Pakula. L’appétence des élèves pour la recherche est un bonus, ils ont une capacité d’abstraction qui leur permet une meilleure prise de conscience que des ingénieurs classiques. »
Le module propose donc des cours pour présenter les grands enjeux climatiques, les causes physiques et conséquences, mais aussi les enjeux énergétiques en lien direct ou indirect avec le changement climatique, et enfin la quantification d’impacts, avec l’empreinte carbone, les émissions de gaz à effet de serre, etc. Cet ensemble s’accompagne de TD plus pratiques, pour permettre aux élèves-ingénieurs de mettre en pratique cet apprentissage.
« J’avais à cœur de faire un cours qui soit très dynamique et fasse interagir les élèves » explique Guillaume Pakula. Et force est de constater que ça marche. Les ingénieurs en devenir plébiscitent le cours, à tel point que des élèves de 2e année s’y rendent même sans être inscrits.
L’exemple de « tonton Emile », cet oncle climato-sceptique qu’on peut tous avoir dans sa famille, permet à toutes et tous de décortiquer des arguments, et de s’exercer à la prise de parole sur le sujet climatique, de manière construite et argumentée.
« C’est un enjeu majeur pour moi, la prise de parole climatique, à l’heure où on lit et entend tout et n’importe quoi », défend Guillaume Pakula.
« En résumé, la nécessaire transition vers une science plus durable passe avant tout par la formation de scientifiques plus responsables » Corinne Soulié-Ziakovic, directrice de la scolarité
Et ce n’est pas la seule nouveauté que propose le parcours aux élèves pour les sensibiliser ou les spécialiser à la transition écologique.
En 2ème année, en lien avec le module de Guillaume Pakula et du projet Celsius, les étudiants peuvent suivre une semaine PSL pilotée par Annie Colin sur le changement climatique. Au cours de cette semaine, industriels et chercheurs viennent également présenter leurs problématiques en lien avec cette nécessaire transition et les solutions pouvant être apportées par le chercheur/ingénieur.
Dans le cadre des PSE, ils peuvent travailler à un projet expérimental sur une thématique durable.
« Parce les ingénieurs et les chercheurs de demain seront inévitablement confrontés aux défis majeurs de notre société, nous devons donner à nos élèves cette capacité de discernement et de mesure sur des sujets complexes », affirme l’enseignante. En recherche, il est souvent question de compromis… Il faut, très en amont de sa recherche, se questionner sur sa soutenabilité et sa durabilité : quelle est la disponibilité des ressources, quel est le bilan énergétique du procédé, quelle est l’efficacité ou la durée de vie du dispositif, est-ce recyclable ? La question des ordres de grandeurs est centrale dans cette approche. »
C’est cette vision élargie que Corinne Soulié-Ziakovic propose aux élèves dans ses travaux pratiques de Chimie et Matériaux Inorganiques. Elle souhaite encourager ses collègues à faire de même. « Outre les TP, les cours magistraux peuvent intégrer ces questions autour de l’impact d’un procédé. Les enjeux écologiques sont transverses à toutes les disciplines. Il nous faut montrer que si la Science n’est pas la seule clé de la transition écologique, elle en est une des solutions. »
Pour compléter le tableau, en 3ème année, les élèves peuvent suivre des UE Enjeux Ecologiques (Chimie et Matériaux, Energie, Evolution et Environnement) proposant des conférences d’acteurs industriels et académiques (verrous technologiques, recherche en pointe dans ces domaines). Ainsi, même s’il ne souhaite pas se spécialiser, chaque élève peut prendre connaissance des enjeux propres à son domaine de spécialité.
En 3A toujours, les élèves peuvent assister à une semaine dédiée aux enjeux écologiques, les EE-Days, où interviennent chercheuses et chercheurs spécialistes d’une thématique donnée (l’eau en 2023, la ville durable en 2024), mais aussi des industriels qui doivent trouver des solutions responsables concrètes au quotidien. Les élèves de 2A peuvent présenter leur PSE au challenge inter-écoles PSL Enjeux Ecologiques (porté par l’ESPCI Paris et précédé d’une semaine PSL introduisant les enjeux scientifiques, économiques et sociétaux de la thématique).
« En résumé, la nécessaire transition vers une science plus durable passe avant tout par la formation de scientifiques plus responsables », conclut Corinne Soulié-Ziakovic. Une transition toute trouvée avec un nouveau cours sur la recherche responsable dispensé par Mélanie Marcel, autre diplômée de l’école et fondatrice de So Science.