Transformer une surface plane en un objet 3D de forme programmée par simple ajout de pression ? C’est le défi que se sont lancé les chercheurs de l’équipe MecaWet du laboratoire de Physique et Mécanique des Milieux Hétérogènes (PMMH) de l’ESPCI.
Les matériaux pouvant changer de forme sont déjà bien répandus, l’exploit réside principalement dans le fait de programmer la forme qu’on souhaite leur donner, car cela implique de s’attaquer à une contrainte géométrique majeure. Les cartographes le savent : les continents sont déformés dès lors qu’ils sont représentés sur une carte plane de la terre, tout comme il est impossible de constituer une sphère à partir d’une carte plane sans la plier ou la découper, la courbure gaussienne doit être préservée.
La clé de ce casse-tête est venue du biomimétisme et en particulier de l’observation des monocotylédones, une famille de plantes caractérisées par la présence d’une seule feuille embryonnaire (comme le maïs). Leurs cellules épidermiques – principalement de la nervure des feuilles – dites « bulliformes », sont à l’origine de l’action d’ouverture et de fermeture de la feuille en fonction du taux d’humidité ambiant. Ce mécanisme permet à la feuille de se replier sur elle-même lors des sécheresses afin de rester hydratée et inversement, se redéployer pour profiter du soleil, lorsque le taux d’humidité est adapté. La structure de ces cellules leur permet de se dilater ou de se contracter par absorption ou relâchement d’eau, permettant le repliement des feuilles.
Inspirés par cet exemple de la nature, les chercheurs du PMMH ont conçu des cellules pneumatiques gonflables nichées entre deux panneaux de tissu inextensible. L’ajout d’air à l’aide d’une pompe permet de pressuriser l’intérieur de ces cellules - comme le ferait l’eau pour les cellules bulliformes -, leur permettant de se contracter et de modifier la forme de la structure. En jouant avec la taille, la forme et la disposition de ces cellules, les chercheurs sont parvenus à créer des objets pouvant prendre des formes relativement complexes qui laissent entrevoir de nombreux usages.
Avec le perfectionnement des outils d’impression 3D, l’utilisation de techniques de thermosoudure et la qualité « grand public » des matières utilisées, il est possible d’envisager des applications à grande échelle pour ces nouveaux matériaux. La robotique souple apparaît comme l’usage phare, avec des dispositifs permettant la manipulation de liquides ou d’objets fragiles. Grâce à la grande légèreté et la rigidité importante de ces structures, des moyens de locomotion dans des espaces complexes ou bien la conception de structures déployables à l’échelle architecturales sont autant d’autres possibilités envisageables.
Chercheurs : José Bico, Tian Gao et Benoît Roman