35 jeunes chercheuses, doctorantes et post-doctorantes, viennent d’être récompensées par la bourse l’Oréal-Unesco Pour les femmes et la Science.
Parmi elles, Judith Pineau, ingénieure diplômée de la 132ème promotion et doctorante à l’Institut Curie, ainsi que Lauren Reynolds, post-doctorante au laboratoire de Plasticité du Cerveau. Rencontre avec ces deux chercheuses, qui présentent leurs travaux, perspectives mais aussi leur implication dans la transmission de cette passion pour les sciences et la recherche.
Jean-Charles Caslot
Judith Pineau
Judith Pineau
Vous êtes doctorante à l’Institut Curie, quel est le sujet de votre de thèse ?
Je fais ma thèse à l’Institut Curie (INSERM U932, Immunité et Cancer), où j’étudie la synapse immunologique du lymphocyte B. Les lymphocytes B sont responsables de la production d’anticorps, et forment une synapse immunologique (structure très organisée au niveau d’un contact cellule-cellule) lorsqu’ils entrent en contact avec un antigène (la cible de leur futur anticorps) à la surface d’une autre cellule. Dans le cadre de la bourse L’Oréal -Unesco Pour les femmes et la Science, j’ai présenté mon travail visant à comprendre comment les cellules B opèrent une réorganisation intracellulaire pour former une synapse immunologique et établir une polarité cellulaire. Cette étape est indispensable pour le bon déclenchement de la réponse immunitaire humorale, c’est-à-dire pour la production d’anticorps.
Vous êtes diplômée de la 132 è promotion de l’ESPCI, est-ce une bonne préparation au monde de la recherche ?
je pense que l’ESPCI m’a tout d’abord donné une vision assez large des domaines scientifiques, ce qui m’aide à communiquer et travailler avec des collaborateurs spécialistes dans différents domaines (je travaille principalement avec des biologistes, mais aussi des physiciens et des chimistes). Bien que je n’aie pas eu de TPs qui me préparent directement aux types d’expériences que je fais pendant ma thèse (culture cellulaire et Cie), la grande proportion de TPs dans le cursus m’a rendu assez débrouillarde pour apprendre rapidement les différentes techniques. En bref, cette formation m’a donné un couteau Suisse.
Quels sont vos projets de carrière, et en quoi la bourse l’Oréal-Unesco va t’elle vous aider ?
Je souhaite poursuivre en post doctorat, peut être en retournant un petit peu plus vers la physique ou de l’analyses/modélisation. En tout cas, je me sens très heureuse dans la recherche académique pour le moment, car je peux m’exprimer, explorer, et apprendre. Grâce à cette bourse, je peux mettre en valeur mon profil, j’ai pu rencontrer de nombreuses jeunes femmes scientifiques très intéressantes et bénéficier de formations de communication scientifique et de management qui je pensent manquent à notre cursus scientifique en général. La dotation va me permettre d’acheter des livres scientifiques que j’hésitais à acheter (et que j’empruntais à des amies) pour me perfectionner sur certains points, financer des projets plus personnels (achat d’une tablette pour la prise de notes, mais surtout pour concevoir des illustrations scientifiques), et essayer de monter un projet de vulgarisation scientifique que j’ai imaginé. Je voudrais concevoir, avec une association, une série de petites expériences faisables par des particuliers/des écoles, acheter un peu de matériel (des foldscopes, microscopes en papier conçus pour ce genre de projets). L’idée serait que les participants filment leurs expériences/leurs conclusions, que des chercheurs fassent de même, et que les images soient projetées en parallèle, lors de manifestations publiques.
Mon but est d’aider le grand public à s’identifier aux chercheurs, et à comprendre que ce sont des gens comme les autres. J’ai déjà un nom en tête pour le projet qui va dans ce sens : « chercheur comme toi ».
Jean-Charles Caslot
Lauren Reynolds
Lauren Reynolds
Vous êtes post-doctorante au Laboratoire Plasticité du Cerveau, que est le sujet de vos recherches ?
Notre équipe (Neurophysiologie et Comportement) a rejoint le LPC cette année. Mes recherches portent sur le développement du cerveau des adolescents, en particulier sur les voies dopaminergiques. Bien que les maladies psychiatriques soient plus susceptibles d’apparaître à l’adolescence qu’à tout autre moment de la vie, la plupart des recherches sur les mécanismes des maladies psychiatriques sont effectuées sur des animaux adultes et presque exclusivement mâles. A l’opposé, l’objectif de mon projet est de comprendre comment la physiologie du système dopamine se développe pendant l’adolescence chez les deux sexes, et comment les expériences vécues pendant cette période modifient ces propriétés physiologiques afin de produire des changements comportementaux contribuant au risque d’une psychopathologie ultérieure.
Quels sont vos projets futurs et en quoi cette bourse va t’elle vous aider ?
Mon projet actuel vise à décrypter l’exposition à la nicotine des adolescents sur la maturation des neurones dopaminergiques, vu que cette expérience est fortement liée à des maladies psychiatriques ultérieures. Avec cette bourse, je ferai avancer le projet en développer des interventions visant à rétablir l’activité des circuits et le comportement, d’abord par des manipulations au niveau circuit, puis par des influences environnementales « positives » dans le but de pouvoir un jour les traduire en interventions de santé publique.
En tant qu’ambassadrice pour les Femmes et la Science, que feriez/direz-vous pour encourager les jeunes filles à se diriger vers des carrières scientifiques ?
En tant que jeune fille, il est souvent difficile de se projeter dans une carrière scientifique à cause d’un manque des rôles modèles, cela nous pousse à douter de nous-même et à nous demander s’il y aura vraiment un place pour nous dans le milieu scientifique. Avec cette bourse, ce prix, j’espère que les jeunes filles pourront nous voir en tant que chercheuses et entendront ce message : la science a besoin de femmes, il y a une place pour elles, et nous nous leurs tenons la porte grande ouverte.