Illustration Paddy Mills
Le magazine Nature vient de mettre en lumière de jeunes scientifiques, sur la base de leurs travaux scientifiques, citations et collaborations, qui apportent un vent nouveau dans toutes les disciplines scientifiques.
Parmi les personnalités émergentes en 2018, Olivier Thouvenin, qui vient d’être recruté comme maître de conférences à l’ESPCI paris.
Bonjour Olivier, vous venez d’arriver à l’école, pourriez-vous nous parler un peu de votre parcours ?
Je suis diplômé de l’ENS de Lyon, puis j’ai fait un master en physique des systèmes biologiques, au cours duquel j’ai rencontré plusieurs personnes de l’ESPCI. J’ai découvert cette école, et j’ai fait une thèse dans un ses laboratoires, l’Institut Langevin sous la direction de Claude Boccara et Matthias Fink. J’ai tout de suite été séduit par l’approche des chercheurs là bas, qui déposaient des brevets en plus de publications de haut niveau, avec des allers-retours incessants entre sciences fondamentale et appliquée. Pendant ma thèse, j’ai mis au point un appareil d’imagerie, proche d’un interféromètre de Michelson mais complètement transformé (optical coherent tomography, OCT en anglais). Nous l’avons continuellement amélioré, jusqu’à être capables de percevoir des déformations dans les tissus de quelques nanomètres pendant quelques millisecondes et de 200 pm dans des cultures de cellules !
A quoi vous sert cet appareil ?
En fait, nous essayons de travailler à l’interface entre physique et biologie. Au départ, nous voulions déceler si une onde mécanique était générée par l’activité électrique des neurones. Ça n’a pas du tout marché ! Néanmoins, nous sommes parvenus à observer des tissus, et à voir les mouvements des cellules dans l’architecture des tissus, sans avoir besoin de marquage préalable.
Après ma thèse, j’ai continué à utiliser l’appareil lors d’un postdoc à l’Institut du Cerveau et de la Moëlle épinière. Là-bas, nous nous sommes intéressés au poisson zèbre, qui est un organisme modèle pour la recherche. Nous avons en particulier étudié le liquide céphalo-rachidien, composé principalement d’eau mais dont la dynamique reste un mystère pour la recherche ! Grâce à notre technologie, nous sommes parvenus à voir des objets biologiques se déplacer dans ce liquide, et à en suivre la dynamique d’écoulement. Cette étude fait suite à une découverte récente : si le flux de liquide est perturbé, les poissons présentent des défauts dans l’axe du corps assez similaires à la scoliose dite idiopathique, c’est à dire sans cause réelle et identifiée.
Quelle va être votre activité à l’école ?
Elle va comporter deux volets : un enseignement et un recherche. D’abord, je vais m’occuper de travaux pratiques d’optique pour les élèves de deuxième année. Il y a 16 TP différents, qui sont constamment repensés et inspirés des recherches en cours dans les laboratoires de l’école.
Concernant mes travaux de recherche, je vais poursuivre ma collaboration avec l’ICM, et avec l’EPFL avec plusieurs objectifs.
A long terme, j’espère pouvoir adapter la technologie pour faire de la microscopie en 3D et donc faire de l’imagerie in vivo. J’aimerais aussi m’attaquer à la question de rendre un contraste moléculaire spécifique à l’imagerie cohérente afin d’obtenir une imagerie optique à plus grande profondeur, ce qui va nécessiter de longs travaux de recherche.
Nature vous a désigné comme rising star…
C’est une grande surprise pour moi, d’autant que les autres lauréats ont des résultats très impressionnants ! J’espère apporter ma pierre à l’édifice, et montrer que la recherche peut avoir un impact sociétal important. J’essaie notamment de créer un prototype d’appareil OCT, qui coûterait 30 fois moins cher qu’un appareil commercial.
L’imagerie optique de tissus in vivo ou ex vivo offre l’avantage de révéler les mystères et les beautés de la complexité du vivant. Au cours de ses activités de recherche, Olivier Thouvenin a pu travailler sur l’imagerie optique sans marquage ( images 1 et 2 ) et avec agent de contraste (images 3 et 4) pour caractériser l’organisation et la fonction des tissus. L’imagerie de la rétine, la partie phtosensible de l’oeil, a fait l’objet d’un certain nombre de ses travaux (Images 1 à 3), et notamment chez le poisson zèbre (images 2 à 4) qui présente l’intérêt de rendre l’imagerie optique in vivo possible, grâce à sa transparence. Chaque image présente un type de contraste différent obtenu avec les différents microscopes développés pendant ses activités, respectivement contraste d’indice optique (Autumn leaves- particulièrement les lipides, présents dans les axones et dans tout l’organisme), contraste de dynamique intracellulaire (image 2), contraste des fluides interstitiels (Image 4) et contraste moléculaire spécifique des cils primaires motiles des cellules de l’organisme.
A lire dans Nature :
Nature 561, S10-S15 (2018)
doi : 10.1038/d41586-018-06622-8