Les chercheurs font l’article : sous le signe de Virgo

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04/05/2011

Vincent Loriette et Ivan Maksimovic, vous travaillez tous deux au laboratoire de Physique et d’étude des matériaux (LPEM) et cosignez un article consacré à la calibration et à l’interprétation de données recueillies par le détecteur Virgo, article publié récemment dans Classical and quantum gravity. L’ESPCI ParisTech collabore-t-elle au projet Virgo depuis longtemps ?

Vincent Loriette, chargé de recherche Crédits : ESPCI ParisTech
Vincent Loriette, chargé de recherche Crédits : ESPCI ParisTech

Vincent Loriette : Depuis 1992 et les travaux de l’équipe conduite par Claude Boccara. Le projet Virgo a été lancé dans les années 1980 puis construit et financé au début des années 90. Sa première session d’exploitation scientifique n’a débuté qu’en 2009-2010. Le développement de projets scientifiques comme celui-ci peut facilement s’étirer sur une trentaine d’années.

Qu’est ce que Virgo ?

VL : Virgo est un projet scientifique international fondé sur la construction et l’exploitation d’un grand détecteur interférométrique. Franco-italien à ses débuts, le projet a été complété par des équipes néerlandaises, polonaises et hongroises. Le détecteur est installé dans la région de Pise, en Italie.

Un détecteur interférométrique géant

Ce type d’appareil, un interféromètre de Michelson, fonctionne à l’aide d’un rayon laser. Le faisceau lumineux est séparé en deux par une lame semi réfléchissante. Chaque faisceau est alors envoyé sur un miroir lointain, dans deux directions perpendiculaires. Au retour, les faisceaux sont recombinés et interfèrent. Si les deux trajets sont tels que les temps d’aller-retour des ondes lumineuses diffèrent l’un de l’autre, l’interférence des deux faisceaux en est affectée. Cet effet est détecté par l’instrument – d’où le nom d’interféromètre – et ce d’autant plus finement que les bras perpendiculaires sont longs. Dans le cas de Virgo, ils mesurent 3 km.

Vue aérienne de Virgo Crédits : CNRS
Vue aérienne de Virgo Crédits : CNRS

Qu’indiquent ces mesures ?

VL : Ces mesures d’interférence peuvent indiquer une déformation de l’espace-temps. Celle-ci est mise en évidence par une variation relative de « distance » entre les deux bras, variation induisant une différence entre les temps de parcours des faisceaux lumineux. Cette différence est infime mais néanmoins perceptible. Virgo est si sensible qu’il peut mesurer la « distance » Terre-Soleil (150 millions de km) à un atome près.

Ivan Maksimovic : ces très faibles écarts de longueurs sont numérisés puis analysés. Virgo est là pour détecter une onde gravitationnelle, à la source de ces déformations spatiotemporelles.

Qu’est-ce qu’une onde gravitationnelle ?

Les ondes gravitationnelles sont des déformations périodiques de la structure même de l’espace-temps. Ces déformations sont provoquées par l’accélération ou l’explosion de masses (collisions stellaires, supernovae, accrétions d’objets compacts..) dans l’univers. De tels phénomènes impliquent des mouvements d’objets dont les masses sont comparables à celle du Soleil, avec des vitesses proches de celle de la lumière. Les ondes gravitationnelles ainsi générées se propagent, transportent de l’énergie, et donc de l’information sur leurs sources.

Ivan Maksimovic, ingénieur de recherche Crédits : ESPCI ParisTech
Ivan Maksimovic, ingénieur de recherche Crédits : ESPCI ParisTech

Quel est l’enjeu de cette détection ?

VL : Ces ondes, prédites par la théorie de la , n’ont encore jamais été détectées directement. Seuls des effets indirects, comme le faible ralentissement de la rotation d’un pulsar ont été perçus en 1974. La détection de ces ondes permettra notamment d’éprouver la théorie de la d’Albert Einstein et d’améliorer notre connaissance des . C’est tout un côté obscur de l’univers qui sera mis en lumière.

En quoi consiste votre rôle sur ce projet ?

IM : Nous apportons une expertise optique au service d’un grand projet qui est un observatoire astronomique.

VL : Voilà, nous sommes les opticiens expérimentateurs au sein d’une équipe majoritairement composée d’astronomes et d’astrophysiciens. Nous sommes spécialistes en métrologie optique (science de la mesure) et concevons avec nos collègues du laboratoire de l’accélérateur linéaire d’Orsay, les composants d’instruments optiques indispensables à Virgo, comme ses miroirs.



Glossaire

LHC
ou Grand collisionneur de hadrons, le plus puissant accélérateur de particules construit à ce jour.
Trous noirs
Des corps extrêmement denses dont le champ gravitationnel est si intense qu’il empêche toute forme de matière ou de rayonnement de s’en échapper. De
Etoile à neutrons
un astre principalement composé de neutrons maintenus ensemble par les forces de gravitation. Ces objets résultent de l’effondrement gravitationnel du
Relativité générale
Cette théorie énonce notamment que la gravitation n’est pas une force, mais la manifestation de la courbure de l’espace (en fait de l’espace-temps),
Interférométrie
cette méthode de mesure exploite les interférences intervenant entre plusieurs ondes cohérentes entre elles.
Coalescences
Contractions de deux ou plusieurs éléments en un seul.
Parsec
l’unité de mesure de la distance d’horizon est le parsec, soit 3,26 années lumière.



ÉCOLE SUPÉRIEURE DE PHYSIQUE ET DE CHIMIE INDUSTRIELLES DE LA VILLE DE PARIS
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