Différentes formes possibles de ce matériau - The material can take various forms
© CNRS Photothèque / ESPCI / Cyril FRÉSILLONPlanches à voile, avions et circuits électroniques ont tous en commun de contenir des résines utilisées pour leur légèreté et leur résistance. Mais, une fois durcies, elles ne peuvent plus être refaçonnées. Seuls quelques composés minéraux, tel le verre, offraient pour l’instant cette possibilité. Associer ces atouts dans un même matériau semblait irréalisable, jusqu’à ce que l’équipe de Ludwik Leibler, chercheur CNRS au Laboratoire « Matière molle et chimie » (CNRS/ESPCI ParisTech) et Professeur associé à l’ESPCI, conçoive une nouvelle classe de composés capable de ce tour de force.
Refaçonner une résine durcie : inimaginable
Remplacer des métaux par des matériaux plus légers mais aussi performants est une nécessité pour de nombreuses industries, comme l’aéronautique, l’automobile, le bâtiment, l’électronique et l’industrie du
sport. De par leurs exceptionnelles propriétés de résistance mécanique, thermique et chimique, les matériaux composites à base de résines thermodurcissables sont pour l’instant les plus à même de remplir ce rôle. Mais il est nécessaire de cuire ces résines in situ, avec d’emblée la forme définitive de la pièce à réaliser. En effet, une fois ces résines durcies, le soudage et la réparation deviennent impossibles. De plus, même à chaud, il est inimaginable de refaçonner une pièce à la manière du forgeron ou du verrier.
Priscilla Dacher : 01 44 96 46 06
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Contact chercheur :
Ludwik Leibler : 01 40 79 51 25
ludwik.leibler@espci.fr
Car le verre (silice inorganique) est une matière unique : une fois chauffé, il passe d’un état solide à un état liquide de façon très progressive (transition vitreuse), ce qui permet de le façonner à volonté sans avoir recours à des moules. Parvenir à concevoir des matériaux très résistants qui puissent se réparer et être malléables à l’infini, tout comme le verre, est un véritable enjeu à la fois économique et écologique. Il faudrait un matériau capable de s’écouler à chaud tout en étant insoluble et qui n’aurait ni la fragilité, ni la « lourdeur » du verre.
Un nouveau matériau révolutionnaire
Partant d’ingrédients disponibles et utilisés dans l’industrie (résine époxy, durcisseurs, catalyseurs…), les chercheurs du Laboratoire "Matière molle et chimie" (CNRS/ESPCI ParisTech) ont créé un nouveau matériau organique constitué d’un réseau moléculaire aux propriétés inédites : ce réseau est capable, sous l’action de la chaleur, de se réorganiser sans changer le nombre de liens entre les atomes. Ce matériau inédit passe de l’état liquide à l’état solide ou inversement, comme le verre. Jusqu’à présent, seule la silice et quelques composés minéraux étaient connus pour ce type de comportement. Ce nouveau matériau s’apparente donc à de la silice complètement organique. Il est insoluble même à chaud au-dessus de sa température de transition vitreuse.
Léger, résistant, insoluble, façonnable à volonté
Ludwik Leibler et une partie de son équipe - Ludwik Leibler and part of his team © CNRS Photothèque / Cyril FRESILLONDe façon remarquable, à température ambiante, il ressemble, selon la composition choisie, à des solides durs ou bien à des solides élastiques mous. Dans les deux cas, il présente les mêmes qualités de légèreté, résistance et insolubilité que les résines thermodurcissables ou les caoutchoucs actuellement utilisés en industrie. Surtout, par rapport à ces derniers, il offre l’avantage d’être façonnable à volonté, réparable et recyclable sous l’action de la chaleur. Cette propriété permet de lui faire subir des transformations par des procédés qui ne sont envisageables ni pour les résines thermodurcissables, ni pour les matières plastiques classiques. Elle permet notamment d’obtenir des formes d’objets qui sont difficiles ou impossibles à obtenir par moulage ou pour lesquels la réalisation d’un moule s’avère trop coûteuse pour la fabrication envisagée.
Utilisé comme base de composites, ce nouveau matériau pourrait ainsi favorablement concurrencer les métaux et trouver de larges applications dans des secteurs aussi divers que l’électronique, l’automobile, la construction, l’aéronautique ou l’imprimerie. Au-delà de ces applications, ces résultats apportent un éclairage inattendu sur une problématique fondamentale : la physique de la transition vitreuse.
Ces travaux ont notamment bénéficié du soutien du CNRS, de l’ESPCI ParisTech ainsi que du groupe Arkema.
Bibliographie :
Silica-like malleable materials from permanent organic networks.
Damien Montarnal, Mathieu Capelot, François Tournilhac and Ludwik Leibler.
Science. 18 novembre 2011 Vol. 334 no. 6058 pp. 965-968
DOI : 10.1126/science.1212648
Source : communiqué de presse CNRS