Sismicité en rupture hétérogène nominalement fragile : organisation statistique des événements acoustiques accompagnant la propagation lente d’une fissure unique
Prévoir quand un matériau fragile va se rompre n’est pas une mince affaire ! Le comportement en rupture observé à l’échelle macroscopique est en effet très sensible aux inhomogénéités de structure à des échelles très fines, à la présence de défauts ou d’imperfections. Cela se traduit par des fluctuations statistiques importantes difficiles à appréhender d’un point de vue pratique.
Pour des sollicitations en tension, le problème du “comment un matériau casse” peut se ramener à celui du “comment une fissure unique se propage dans ce matériau ». Pour ce type de rupture dit nominalement fragile, la mécanique linéaire élastique de la rupture (MLER) fournit le cadre pertinent dans le cas d’un solide homogène, et l’utilisation de certains concepts issus de la physique statistique (dépiégeage d’une ligne élastique en potentiel aléatoire) permet d’étendre le formalisme au cas des matériaux hétérogènes. En revanche, le problème est drastiquement différent pour un chargement sous compression. Pour ce type de rupture dit quasi-fragile, le matériau commence alors par s’endommager graduellement en se microfracturant. Les microfissures s’accumulent et se localisent, jusqu’à la ruine globale de la structure. L’étude de l’émission acoustique associée a montré que ces événements de microfissuration s’organisent de manière bien particulière, pour former des séquences choc principal – répliques caractérisées par des lois empiriques génériques, similaires à celles observées en sismologie : loi d’Omori-Utsu reliant le taux de production de répliques au temps écoulé depuis le choc principal, loi dite de productivité reliant le nombre de répliques à l’énergie du choc principale… Ces lois demeurent largement empiriques et sont généralement attribuée à la dynamique collective de nucléation des microfissures, médiée par la redistribution du champ de contrainte associé.
Nous avons étudié ici l’émission acoustique accompagnant la propagation stable d’une fissure unique dans une roche artificielle chargée en tension à vitesse contrôlée. Dans nos expériences, les événements acoustiques s’organisent en séquences choc principal – répliques qui partagent de nombreuses similarités avec ce qui est observé en rupture sous compression et, à plus grande échelle, en sismologie. Certaines spécificités émergent néanmoins dans cette situation plus simple et permettent de contraindre ces lois et leurs interdépendances. Les implications seront discutées.
Travaux réalisés avec Jonathan Barés, Alizée Dubois, Lamine Hattali et Davy Dalmas